DÉCISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE COLOMBIENNE EN FAVEUR DE 123 FAMILLES DE PERSONNES DÉPLACÉES QUI AVAIENT ÉTÉ EXPULSÉES DE MANIÈRE ILLÉGALE DE LA PROPRIÉTÉ « LAS PAVAS »

Heidelberg, Genève 11.05.2011.  Le vendredi 6 mai, les médias ont annoncé en Colombie l’émission de la sentence T-267 de 2011 en faveur des familles qui intègrent la coopérative ASOCAB. Cette décision est un pas en avant vers la revendication des droits des paysans et paysannes.

Le 14 juillet 2009, les 123 familles avaient été expulsées par la force par des membres de la Police Nationale et de l’escadron mobil anti-émeute à la demande des entreprises APORTES SAN ISIDRO S.A. et C.I. TEQUENDAMA qui se consacrent à la culture de la palme pour en faire de l’huile. Les entreprises prétendent être les propriétaires de l’exploitation. Cette expulsion s’est produite malgré le fait que la loi nationale interdit expressément les expulsions dans le cas de propriétés sujettes à un processus de confiscation[1] qui est le processus qu’avait entrepris ASOCAB afin d’obtenir la titularisation des terres.

En 1997, les familles se sont installées sur le domaine et depuis lors elles réalisaient des actes de possession en développant l’exploitation économique de la propriété et réalisant des améliorations pour optimiser le rendement agricole des terres qui avaient été abandonnées par le propriétaire Jesús Emilio Escobar qui de son côté les avaient vendues à deux entreprises d’huile de palme malgré le fait que la communauté avait commencé le processus administratif en vue de régulariser sa possession du domaine pendant que les communautés se trouvaient déplacées.

Selon les témoins de la communauté et des organisations qui la soutiennent dans le pays, durant 14 ans, la communauté de « Las Pavas » a lutté incessamment pour améliorer ses conditions de vie à travers l’accès à une terre qui a permis aux personnes de satisfaire leur droit à l’alimentation. Tout le long de cette lutte, la communauté s’est vue confrontée à des violations de ses droits humains comme le fait d’avoir été déplacée par la force, d’avoir subie des attaques de groupes paramilitaires et la destruction  des cultures et aliments ainsi que des harcèlements et des pressions de la part des entreprises.   De même, la communauté a été victime de nombreuses entraves dans les différents processus juridiques qu’elle a entrepris afin de défendre pacifiquement ses droits. Toute cette situation s’aggrave à cause de la contamination produite par l’expansion des cultures de palme africaine dans la zone.

La décision de la Cour a reconnu l’expulsion comme illégale et affirme que c’est un cas de violation des droits à une vie digne, au travail et espace convenable des intégrants de la communauté. Sur la base de ces affirmations, le tribunal a décidé de laisser sans effet les résolutions que avaient décrété l’expulsion de la communauté émises par l’Institut Colombien de Développement Rural (INCODER) ce qui implique une réouverture du processus de confiscation qui, s’il est mené à bien en accord avec la loi, permettra aux membres de la communauté d’acquérir les titres de propriété respectifs.

Dans sa sentence, la Cour développe d’importants paramètres pour la protection des paysans :

a)     Elle reconnaît qu’en application du droit international, c’est à l’Etat de présenter des preuves et non à la communauté affectée

b)     En cas de doute, c’est le principe favorisant les victimes qui doit être appliqué

c)     Lors des processus agraires, se sont les principes constitutionnels en faveur des victimes qui doivent s’appliquer

d)     Les situations de déplacements forcés n’interrompent pas les délais pour la  prescription de la possession

De leur côté, les leaders de la communauté s’exprimant sur cette grande réussite ont expliqué que : « nous avons un mode de vie qui ne consiste non seulement à avoir une parcelle pour consommer des aliments mais aussi pour maintenir le territoire des espèces qui ne se produisent pas mais que nous conservons…nous avons besoin d’un accompagnement international pour défendre nos droits car nous voulons un mode (de vie) où prime le respect non seulement des personnes mais aussi de la nature ».

FIAN considère que la décision de la Cour Constitutionnelle représente une grande avancée dans la lutte pour la justice en faveur des groupes les moins favorisés de notre société. A partir de FIAN, nous continuerons à soutenir la communauté, à travailler en équipe avec toutes les autres organisations qui les soutiennent au niveau national et international. Nous surveillerons activement que le ministre de l’agriculture et l’INCODER respectent l’ordre de la Cour Constitutionnelle sans céder à la pression d’intérêts économiques puissants.

Source : communiqué de presse publié le 16 mai 2011 sur le site de FIAN International

Traduction de l’espagnol : Arnaud Waeber (FIAN-Suisse)

Documents originaux disponibles en :

Espagnol : http://www.fian.org/noticias/comunicados-de-prensa-1/tribunal-colombiano-encuentra-123-familias-en-las-pavas-fueron-desalojados-ilegalmente-1/pdf

Anglais : http://www.fian.org/news/press-releases/columbian-court-rules-in-favour-of-families-illegally-evicted-from-las-pavas/pdf


[1] En espagnol, « proceso de extinción de dominio » se réfère à un processus de confiscation de biens ayant appartenus à des personnes ou organisations criminelles dont la propriété revient généralement, en premier lieu, à l’Etat. Il faut préciser que dans le cas de « Las Pavas », les terres avaient appartenu à des proches (cousin) du fameux trafiquant de drogues Pablo Escobar.