Journée mondiale de l’alimentation 2015 : une opportunité pour réfléchir à l’influence qu’exercent les entreprises

World_Food_Day_2015FIAN salue les progrès réalisés en vue d’éradiquer la faim mais regrette la tendance actuelle qui consiste à favoriser l’influence des entreprises sur les politiques alimentaires et nutritionnelles.

Au cours des deux dernières décennies, les efforts fournis dans le monde entier afin d’éradiquer la faim ont porté leurs fruits : le taux de sous alimentation a baissé de 21,4% à l’échelle mondiale. De tels progrès doivent être reconnus si l’on prend en considération le défi que représente le contexte mondial actuel, cependant, les approches adoptées à ce jour pour lutter contre la malnutrition s’avèrent porter préjudice aux droits humains des populations.

L’influence croissante des entreprises sur les politiques alimentaires et nutritionnelles a façonné un monde dans lequel cohabitent 795 millions de personnes souffrant de la faim et un demi million de personnes souffrant d’obésité et de maladies connexes non transmissibles. Le contrôle qu’exercent les entreprises sur les systèmes alimentaires, de la production jusqu’au moment où l’alimentation arrive au consommateur, est en grande partie un des facteurs à l’origine à la fois de l’obésité et de la sous alimentation. Les entreprises sont de plus en plus souvent présentées comme la solution au problème de la malnutrition et également plus fréquemment invitées à participer au processus décisionnel en la matière. Et cela, malgré le fait qu’elles contribuent à la malnutrition sous toutes ses formes, qu’il s’agisse par exemple de la commercialisation moralement contestable d’aliments ultra transformés mauvais pour la santé et de substituts du lait maternel, de l’accaparement et de la privatisation des ressources naturelles, et des violations des droits du travail.

Comme le rappelle le secrétaire général de FIAN International, Flavio Valente, le concept de nutrition est séparé du concept d’alimentation et du contexte socio culturel dans lequel l’alimentation est produite et consommée. De même, la nutrition est limitée à la simple mesure de la quantité de nutriments présents dans les aliments et le corps humain. À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, M. Valente signale que la médicalisation de la nutrition est une tentative de détournement de la santé des peuples et de leur bien-être en vue d’en faire un objet de consommation. « En conséquence, la malnutrition est réduite à l’absence de nutriments, absence qui peut être comblée par une intervention technique extérieure, celle des compléments alimentaires industriels, des poudres et comprimés nutritionnels », ajoute-t-il.

L’implication du secteur privé dans la prise de décisions politiques est de plus en plus courante en raison de ce que l’on appelle les « multi parties prenantes ». Les dernières avancées qui ont vu le jour au cours des débats de cette semaine, lors de la 42ème session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), ont amené la société civile à prendre réellement conscience des risques encourus si le CSA devenait une initiative multi-partie prenante, ce que souhaitent certains acteurs de la société.

A cet égard, les organisations de la société civile et les mouvements sociaux ont rappelé la nature internationale et intergouvernementale du CSA. Ils ont également mis en avant le principe d’inclusion qui garantit que chaque pays bénéficie d’un vote (les États portant seuls la responsabilité sur la prise de décision) afin d’assurer la participation des plus touchés par l’insécurité alimentaire et la malnutrition, en tant que titulaires de droits dans le processus. De plus, la société civile a demandé instamment que la distinction des rôles soit maintenue entre les différents acteurs de la société et que celle-ci ne soit pas brouillée sous l’égide des « multi parties prenantes ».

Étant donné les obligations en matière de droits humains auxquelles les États sont tenus, la société civile a mis l’accent sur l’importance pour les États de mettre en œuvre le plan de travail du CSA qui a été collectivement défini. « Les États membres de l’ONU devraient s’assurer que des garanties efficaces contre d’éventuels conflits d’intérêts soient mises en place pour protéger le CSA de l’influence inappropriée des entreprises », conclut Flavio Valente.